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by 유영 Jan 19. 2024

I. 1. L’Analyse Lexicale

I. 1. Les trois sens de θεωρία

I. L’Analyse Lexicale du Terme Contemplation

1. Les trois sens de θεωρία

   Notre étude se penche d’abord sur le sens originel de θεωρία dans la philosophie grecque, tel qu’interprété par Platon et Aristote, et examine ensuite son évolution vers un usage théologique dans le christianisme. Nous nous appuyons sur l’analyse de John Dudley pour comprendre comment θεωρία a fait la transition d’une réflexion philosophique à une contemplation spirituelle.


   Dans les travaux d’Aristote, on retrouve trois usages distincts du terme θεωρία. R. A. Gautier et J.-Y. Jolif, dans leur traduction de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote, font une remarque  le sens origine de ce terme : « Le théôros n’aurait donc été primitivement rien d’autre que le spectateur ». Cette remarque indique que la signification originale de θεωρία était simplement l’acte de regarder. Ce concept trouve une application spéciale dans les contextes du théâtre ou des fêtes religieuses, où « regarder » implique une participation active, que ce soit en tant que spectateur d’une pièce de théâtre ou d’un rituel religieux. Par exemple, dans l’Éthique à Nicomaque, nous observons cet usage du sens original de θεωρία quand Aristote aborde la prééminence de l’acte de regarder par rapport à d’autres actions. Il mentionne que l’homme magnifique (ô μεγαλοπρεπής) « à dépense égale produira une œuvre d’art plus magni­fiquement. Car une possession et une œuvre d’art n’ont pas la même excellence: en matière de possession, la chose qui vaut le plus est la plus honorée, tel l’or, tandis qu’à l’égard de l’œuvre d’art, c’est le grand et le noble (car le fait de regarder (ή θεωρία) une telle chose soulève l’admiration, et ce qui est magnifique soulève l’admiration)³ ». Ou encore, dans Protreptique, il y a une comparaison entre la contemplation de l’univers et l’expérience d’un spectateur au théâtre. Cette analogie sert à illustrer comment la contemplation de l’univers, un acte de regarder avec distance, est similaire à l’expérience d’un spectateur absorbé par un spectacle ⁴ .

³ Aristote, l’Éthique à Nicomaque,  IV, il, 10, 1122 b 13-18.
⁴ Protrep. B 44; cf. B 19


  Cette application de la connaissance implique aussi la reconnaissance (άναγνωρίζειν ; anagnōrízein) de principes déjà connus et familiers. C’est pourquoi le terme θεωρία est souvent mis en contraste avec μανθάνειν (manthanein), qui signifie apprendre. Manthanein a cependant deux sens. Le premier, comme le décrit Dudley, est : « Par l’activité de μανθάνειν, un homme passe de l’ignorance à la connaissance (έπιστήμη) », ce qui constitue la « première entéléchie ». Le second sens de manthanein est étroitement lié à l’utilisation de la connaissance, car on « comprend » par son utilisation. Et cela constitue la « deuxième entéléchie »⁵ . Ce sens particulier est moins fréquemment employé. On le retrouve de manière plus spécifique dans un passage de l’Éthique à Nicomaque (VII, 1146b 31-35), et également dans la Physique (VIII, 255a 33-255b 5)⁶.

⁵  John DUDLEY, La contemplation (θεωρία) humaine selon Aristote, In Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 80, n°47, 1982. p. 389-390
⁶  Florin CRISMAREAN, Le contemplateur Guillaume de Saint-Thierry et ses sources, op. cit., p. 608

   

  Le verbe θεωρεϊν est plus fréquemment utilisé dans son sens large, où il signifie « observer », « examiner » ou « étudier », et θεωρία se réfère à l’« observation », l’« examen » ou l’« étude ». Ce troisième sens révèle un désir de contemplateur de dépasser la simple utilisation de la connaissance avec manthanein. Cependant on peut remarqué que, Dudley écrit ainsi, « même utilisé dans un sens non restreint, θεωρέω veut dire encore connaître actuellement ». Il est important de noter que ce désir du contemplateur ne dépend pas d’un changement ultérieur dans le sens du terme, mais plutôt de l’objet de la θεωρία, c’est-à-dire de l’objet d’étude. Ainsi, le contemplateur oriente d’abord son regard vers son âme.

  Aristote, dans sa conceptualisation de la faculté rationnelle de l’âme, identifie deux aspects principaux. Le premier, qu’il nomme τό έπιστημονικόν (to epistēmonikon), concerne la partie de l’âme qui s’occupe des vérités invariables, constantes et universelles. Cette dimension de l’âme est dédiée à la compréhension des principes et des connaissances qui ne changent pas, comme les lois de la logique ou les vérités mathématiques. Le second aspect, appelé το λογιστικόν (to logistikon), se rapporte à la partie de l’âme qui gère les connaissances variables ou contingentes. Cette faculté s’occupe des vérités qui peuvent changer ou qui dépendent de circonstances particulières. Elle est liée à la prise de décision pratique, à la délibération, et à la compréhension des phénomènes qui ne sont pas fixes, mais plutôt sujets à variation et à changement⁷.

⁷   John DUDLEY, La contemplation (θεωρία) humaine selon Aristote,, op. cit., p. 392

   La contemplation, dans son sens le plus large constitue « le chemin ou l’acte de la philosophie⁸». Cet acte philosophique vise spécifiquement à atteindre la vérité invariable. Concernant le terme σοφία (sophia), qui est souvent associé à la contemplation, on distingue également des sens restreints et non restreints. Dans son sens non restreint, sophia englobe les deux facultés de l’âme, de sorte que sophia et φιλοσοφία (philosophia) peuvent être interprétées de manière plus générale comme signifiant « investigation » ou « science » et « sagesse » dans un sens plus large.  

   Dans son sens restreint, σοφία représente l’état ultime de sagesse, soit la connaissance des objets les plus élevés. La philosophie (φιλοσοφία), quant à elle, se rapporte à la première faculté de l’âme, to epistēmonikon, et se manifeste comme une quête de cette connaissance suprême. Cette approche implique un parcours progressif à travers les niveaux de la science, débutant avec l’étude des mathématiques, se poursuivant avec la physique, et atteignant son point culminant en théologie.

⁸   ibid, p. 393

   Aristote établit une hiérarchie dans les domaines du savoir, classant les différentes sciences selon leur importance et leur universalité. Dans cette hiérarchie, certaines sciences sont considérées comme plus fondamentales ou « supérieures » en raison de leur objet d’étude plus abstrait ou plus universel. Au sommet de cette hiérarchie se trouve la métaphysique, que Aristote appelle aussi la « philosophie première ». Elle est considérée comme la science suprême car elle traite des questions les plus fondamentales de l’existence, de la réalité et des premiers principes. La métaphysique s’occupe des questions qui transcendent les sciences particulières, cherchant à comprendre la nature de l’être en tant que tel. Même au sein de la métaphysique, Aristote perçoit une hiérarchie d’objets. Cette hiérarchie est fondée sur le degré de généralité et d’importance de ces objets. Plus un objet est abstrait et fondamental, plus il est élevé dans cette hiérarchie. Selon Aristote, l’activité la plus élevée et la plus noble de l’homme est la contemplation (θεωρία) de l’objet le plus élevé de la métaphysique, c’est-à-dire Dieu. Cette contemplation est considérée comme l’apogée de la recherche intellectuelle et spirituelle, reflétant la croyance qu’en comprenant l’ordre le plus élevé de la réalité, on atteint la plus grande réalisation de la capacité humaine à connaître et à comprendre.

   L'activité divine, selon cette perspective, est comprise comme une contemplation de Dieu lui-même. De ce fait, il est suggéré que l'activité la plus élevée de l'homme, en tant qu'imitation de l'activité divine, est également la contemplation de Dieu. Ainsi, dans l'Éthique à Nicomaque, l'objet véritable de la contemplation est identifié comme étant Dieu. Cette idée implique que la contemplation la plus élevée et la plus parfaite pour l'homme est celle qui se tourne vers la nature divine, en alignant les activités humaines sur l'exemple suprême de la contemplation par Dieu⁹.

⁹   ibid, p. 396

   Dans notre étude, nous avons exploré les trois significations du terme θεωρία. Premièrement, son sens originel est celui de « regarder ». Deuxièmement, dans un sens restreint, il fait référence à l’exercice ou à l’utilisation de connaissances déjà acquises. Troisièmement, dans un sens plus large, il englobe l’« observation », l’« examen » et l’« étude ». Nous avons également observé que le troisième sens se hisse jusqu’à l’idée de Dieu ou de l’activité divine, qui représente l’objet ultime de la θεωρία, suggérant une ascension vers une compréhension plus profonde et une contemplation plus élevée.



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